Valérie Faudon, Déléguée Générale de la Société Française de l'Énergie Nucléaire (SFEN), s'est entretenue avec le comité Énergie d'IESF afin de présenter les perspectives du nucléaire en France, soumis à de nombreux enjeux alors même que la construction des prochaines paires de centrales nucléaires est entrée dans le débat public le 27 octobre. Retour sur l’échange et les enjeux du débat public.
La Société Française de l’Énergie Nucléaire, fondée en 1973, est considérée comme le think tank du nucléaire. Cette communauté de 3 600 scientifiques a pour objectifs d'aider les curieux à s'éduquer sur l'énergie nucléaire, partager les actualités du sujet et publier des documents d'aide à la décision des leaders d'opinion.
La production d'électricité nucléaire date du choc pétrolier de 1973. A l’époque, 70% de l'électricité était fossile. Grâce au nucléaire, en l'espace de quinze ans, la France est sortie de sa dépendance fossile pour la production d’électricité, en construisant 58 réacteurs entre 1978 et 2022. Aujourd'hui, moins de 10% de l'électricité française est fossile Alors que la moyenne mondiale d"missions de gaz à effet de serre par production d'électricité est de 12 gCO2/KWh, elle est de 4 gCO2/KWh en France, d'après une étude d'EdF sortie en 2022.
L'utilisation de l'énergie nucléaire a ainsi permis de découpler l'évolution du PIB avec les émissions de CO2 de la France. Ainsi, entre 198° et 1985, alors que lPIB a augmenté de 8%, les émissions ont diminué de 20%? Comme le rappelle le GIEC, le nucléaire est une énergie bas carbone.
Le nucléaire n'est pas centralisé mais réparti sur le territoire., notamment en Normandie, dans la région Rhône-Alpes ety en région parisienne. Il n'y a néanmoins pas de différence d'accès au nucléaire selon le territoire, grâce notamment au réseau de distribution d'électricité, qui permet que le prix soit le même partout.
Le nucléaire gagne en popularité depuis 2018. La population est majoritairement favorable à son utilisation, par souci de sécurité d'approvisionnement (la consommation d'électricité va augmenter) et d'indépendance énergétique. Les adversaires du nucléaire, dont le nombre n'a pas bougé depuis 2018, citent comme inconvénients majeurs la gestion des déchets et les dangers potentiels qui y seraient liés.
Constat marquant : le statut d'énergie bas carbone du nucléaire est méconnu par la moitié de la population et entre peu en compte dans les arguments pronucléaires. En revanche, on trouve parmi ses adversaires des groupes pacifistes et des partisans de la décroissance. Ces derniers craignent que le nucléaire passe à tort pour une énergie illimitée et décourage les efforts de sobriété.
Deuxième constat : si les anti-nucléaires s'opposent au concept général, ils demeurent indécis quant à son utilisation pour la production de l'électricité, du fait des avantages listés plus haut. Les Français sont de plus favorables à la production d'électricité issues d'énergie nucléaire, avec une préférence à 40% pour un renouvellement partiel du parc (contre 17% favorables pour tout remplacer).
D'ici à 2050, la France va devoir maximiser sa production énergétique pour répondre aux problèmes de sécurité d'approvisionnement énergétique. L'enjeu est donc de trouver le mix énergétique optimal pour répondre aux besoins du pays. Pour ce faire, RTE a modélisé six scénarios potentiels de mix énergétique bas carbone à l'horizon 2050.
Ces scénarios nous montrent d'abord que les enjeux de coût ne se retrouvent pas au niveau de la production (équivalent pour toutes les énergies) mais du système : les coûts liés aux problèmes d'intermittence et de flexibilités des énergies renouvelables sont plus importants que pour le nucléaire. Les réacteurs étant actuellement autorisés à fonctionner pour 60 ans, il sera néanmoins nécessaire de construire de nouveaux réacteurs afin de répondre à la demande en 2050. Si cette durée de vie était amenée à augmenter, la France pourrait se retrouver à réévaluer ses objectifs de production (50 GW actuellement) à la hausse.
La deuxième conclusion à tirer de l'étude est qu'un scénario avec nucléaire est moins cher, même si les coûts de construction des prochains réacteurs EPR (aujourd'hui évalués à 8,5 milliards d'euros) atteignent le niveau de l'EPR de Flamanville (12,7 milliards d'euros).
Il faut cependant nuancer ces résultats : RTE modélise le taux de financement (taux d'intérêt annuel) de toutes les énergies à 4%. Or, le coût de production du nucléaire est extrêmement sensible à ce taux. S'il augmente à 7%, il n'y a plus d'avantage économique à avoir un surplus de nucléaire. L'incertitude demeure donc sur le financement, à la fois sur l'élaboration du schéma de financement et des aides qui seront octroyées par Bruxelles.
Six EPR sont en projet de constructon : 3 paires d'EPR 2 qui bénéficieront des retours d'expérience des précédents EPR construits. les réacteurs devraient être installés à Penly, Gravelins et Tricastin ou Bugey. Les chantiers ne devraient pas commencer avant 2027, si tout se passe comme espéré.
Ces trois foix deux chantiers vont mobiliser en tout environ 30 000 personnes par an, dont 7 000 pendant l'exploitation. une vague de recrutement aura donc lieu dans le secteur, alors même qu'on constate un manque d'ingénieurs en France. le domaine semble déjà se démarquer dans certaines grandes écoles, mais l'enjeu est d'attirer des talents partout en France, de développer les métiers techniques dans les bassins d'accueil, et de féminiser ces métiers.
Pour que ces EPR voient le jour, et notamment la première paire à Penly, le projet se soumet au débat public entre le 27 cotobre et le 27 février. tous les Français peuvent y participer en suivant la Commission Nationale du Débat Public (CNDP).